vendredi 12 juillet 2013

Dix-septième Entretien


Philistine : Monsieur l'abbé Tymon de Quimonte,


Qui êtes vous, d'où venez vous, où allez vous ?

L'abbé : Je suis Philippe, Auguste, Barnabé, Tymon de Quimonte.  Je viens des œuvres de mon père et du sein de ma mère, et je vais au tombeau.

Philistine : Ah ça ! monsieur l'abbé je suis un peu déçue de cette réponse très, disons "matérialiste", sur notre condition en rapport à  nos fins dernières.

L'abbé : Il semble, madame, que vous ne nous la baillez plus avec ce tic en-faitique et emphytéotique, commun à toutes, de commencer vos phrases par 'en fait' !

Philistine : En fait Félix m'a fait la m^me remarque l'autre jour !

L'abbé : Les grands esprits se compénètrent.

Philistine : Nous n’en doutons pas ! Mais un grand esprit ne saurait-il avoir une destination plus surnaturelle ?

L'abbé : Je suis poussière et je retournerai à la poussière.  C'est ce que le prêtre nous dit le mercredi des cendres : Memento, homo, quod pulvis es, et in pulverem reverteris.

Philistine : Très gai ! En plus ça rappelle de bons souvenirs :
http://petitimmonde.blogspot.fr/2011/03/mercredi-des-cendres.html

L'abbé : Ces petites perles que donne Félix parfois, et passent inaperçues...

Philistine :...dans toute sa verroterie qui brille d'un faux éclat dans les ténèbres.

L'abbé: Femme, il est des Ténèbres d'où nulle lumière ne peut fuir, et "qui éteint tous les flambeaux."

Philistine : Les troublants «Trous noirs » ! En fait oui, j'ai lu ça un jour chez Le Chat.

L'abbé : Boiriez vous, d'aventure, loin de vos abreuvoirs chéris, quelques une de ces liqueurs fortes « qui font suer » ?

Philistine : Qui font suer ça c'est sur !
Oserais je, à genoux devant votre sombre bure, vous révéler que personne ne comprend votre entente cordiale avec Félix, en fait.  Qui dans sa tête est athée, ou tâte du paganisme avec son thé ! Némésis, Hécate, Matou-Râ ! Ce Chat que vous appelez fils n'est pas chrétien !
Pour ne rien dire de cette nouveauté là, Pareo ! Il se pavane à la plage en Pareo maintenant ?

L'abbé : Flaubert disait : « madame Bovary c'est moi. »

Philistine : ???  En fait, il est temps de tenter d'éclairer un peu Félix par l'abbé...et réciproquement.
On vous confond souvent, m^me Ibara ! C'est comique.

L'abbé : Que nenni ! En réalité Ibara voulait peindre deux portraits de notre ami : Félix tel qu'il se montre et Félix tel qu'en lui m^me  (plus précisément 'tel qu'en lui même Ibara le pense). Un Félix mondain et un Félix intérieur en quelque sorte. L'un qui rit et l'autre qui pleure. Et le peintre tenait à appeler le second portrait : le vrai Félix. 
Mais ce dernier a trouvé malin de lui demander de l'intituler plutôt : Portrait de l'abbé Tymon de Quimonte !
Ce qui fut fait.

Philistine : Pauvre Abbé, si noble, si distingué, sous les traits de cet irréligieux ! Mais pourquoi Ibara lui passe-t-il tous ses caprices ! Incompréhensible l'engouement de ce grand peintre pour ce petit pamphlétaire ! L'hommage de la vertu au vice je présume !

L'abbé : Je crois savoir qu'Ibara apprécie la poésie de Félix Niesche qui lui semble puiser à la même source d'inspiration que la sienne. Il suffit d'ailleurs de lire sur son portrait cet air de douleur ineffable qu'Ibara lui prête, et que je ne lui connais pas, pour comprendre ce que le peintre pense de la vie intérieure profonde de notre ami. 
Errare humanum est.  Les artistes authentiques ont parfois de ces faiblesses, abusés par leur propre vision.

Philistine : Hi hi hi ! Cette mine accablée, cet air plein de commisération pour le pauvre monde ! En fait c'est dingue la bonté d'Ibara pour Félix ! C'est elle qu'il a peint, en fait ! Il lui a m^me envoyé ce tableau, superbe au demeurant, encadré par ses soins !
Ainsi, chez lui, Félix se rengorge en laissant admirer ce portrait retouché, adouci, grandement amélioré de sa personne !

L'abbé : Retouché, amélioré, femme vous exagérez ! J'ai vu ce tableau singulier, il rayonne littéralement d'une énergie alchimique.

Philistine : En fait monsieur l'abbé, il faut être effectivement femme pour voir certains détails esthétiques. Ce que vous nommez la laideur non significative, et que vous dédaignez.  J'ai noté que sa bouche aux lèvres minces, ce coup de serpe avec son rictus amer, paraît plus pleine, d'un dessin harmonieux. De son regard il a ôté toute ironie pour ne retenir que cette mélancolie risible !

L'abbé : Bien réelle pourtant ! Ces remarques me semblent futiles. Si l'aspect a été changé, cette conversion alchimique ne s'est faite par aucun artifice, mais par ce feu intérieur que le créateur a immédiatement insufflé dans ce tableautin, lui conférant une nature fixe qui résistera à toute volatilité.
Et donc à toute volubilité.

Philistine : En fait le premier portrait rendait mieux son air teigneux, je trouve. On dirait un démon rouge jailli de cette boîte de pandore des mots qu'il ouvre sans cesse sous nos pas.

L'abbé : Philistine Pandora !  Cette "boîte de Pandore des mots qu'il ouvre sans cesse sous nos pas" est digne de figurer dans un recueil d'anthologie des pataquès. Elle vous élève à la dignité d'un schème paraphernal ! Décidément mon fils avait raison, qui m'a souvent répété 'Philistine est un cas d'école, si elle n'existait pas il faudrait l'inventer'.

Philistine : Fort aimable à lui, mais quel père créateur aurait eu assez d'orthographe pour écrire mon destin sans fautes ?

L'abbé : « Je ne sais qui écrit mon destin, mais je crains qu’il ne se trompe » disait le Sapeur. Un parent à vous je présume ?  

Philistine : Monsieur l'abbé, je ne fais pas dans le Pompier, même les jours d'incendie.

L'abbé : Quel sans-peur éteindra jamais les sinistres des eaux corrosives amazoniennes ?

Philistine : En fait je crains que mon génie soit incompris.

L'abbé : Vous croyez ? Mais ce que vous dîtes est parfaitement en accord avec ce qui se dit !

Philistine : Que vous dîtes ! En fait c'est ce que vous pensez que l'on entend penser par toutes les bouches !

L'abbé : Cocotte que de Coquecigrues vous pondez !  L'impropriété faite écrivainE.

Philistine : L'Impropriété c'est l'envol !

L'abbé : L'envol de l'esprit qui fiente.

Philistine : Qui vaut mieux que le terre à terre de l'Esprit qui nie !

L'abbé : Par le Salamandre, l’Ondin, le Sylphe et le Lutin ! Qui donc ici est le plus grand négateur ?

Philistine : En fait vous! monsieur l'abbé, sauf le respect.

L'abbé : Oui sans doute, madame, je crois comprendre dans quel sens méphistophélien vous m'imputez cet "esprit qui toujours nie" : car il est vrai que tout ce qui naît (de l'esprit du simio-humain), mérite de périr !

Philistine : En fait je comprends mieux pourquoi on vous confond ! Deux nihilistes finalement.

L'abbé : Sauf que Félix, avec son anarchisme, poursuit un but terrestre. Au lieu que je suis comme ces disciples dont le Seigneur Jésus disait : « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde» (Jean 17:16).
 Vos de deorsum estis, ego de supernis sum; vos de mundo hoc estis, ego non sum de hoc mundo.

Philistine : Amen !

1 commentaire:

orfeenix a dit…

Ibara a su restituer le double visage de Janus qui gardait toutes les portes,j' ai aussi un faible pour la face mélancolique,mais l' érudit souriant n' est pas mal non plus...Merci de nous charmer, merci à Ibara de représenter l' esprit de la matière.

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