lundi 28 juillet 2008

Dixième Entretien.


Félix Niesche : 
Quand je songe Monsieur l'abbé, que c'est vous-même, encore jeune abbé, qui m'avez baptisé.
Beau résultat en vérité ! 
L'abbé Tymon de Quimonte:
Mon fils, la naissance que représente le Baptême, qui nous fait Chrétiens, nous élève bien au dessus de tout ce que nous sommes, et par la nature et par la fortune.

Félix
Quel âge aviez vous alors, monsieur l'abbé?

l'abbé :
Hé, je crois tout juste vingt ans, mon fils.

Félix
Et vous ne laisseriez personne dire que c'est le plus bel âge de la vie, je présume. 

L'abbé :
Que nenni, mon fils, au contraire, je garde en mon vieux cœur d'excellents souvenirs de ces temps de jadis, comme votre baptême à Dax dans les Landes, et de vous-même, bébé, encore dans les limbes.

Félix

Tant d'années déjà !  combien pourtant je me rappelle,
Du jeune abbé de Quimonte dans sa chapelle...

Ainsi que de ma mère et de mon père, et de tout le reste d'ailleurs !

L'abbé:
Vraiment, mon fils ?

Félix

Sérieusement l'abbé, il m'en souvient : 
 J'avais trois mois. Et je ne laisserai jamais personne dire que c'est le plus bel âge de la vie !
Tout menace de ruine un bébé : l'amour étouffant, les tétées, la naissance de nouveaux membres dans la famille (avec ce risque..... qu'ils fussent femelles), les affusions cléricales.
Il est dur d'apprendre si tôt sa partie dans un baptistaire.  
Je tins stoïquement la mienne, sans piaulements, envoûté par la réverbération sépulcrale de la voix du prêtre : " Ego te linio Félix".
"In nomine Patri" et j'étais soulevé dans les bras du mien, "et Fili", que je voyais lové dans les bras  de Sa Mère marmoréenne, "et Spritu Sancti"....
Soudain une colombe s'envolait dans l'orbe de lumière, je la suivis, et saisissant un rayon je traversais grâce à lui le chatoiement enflammé du vitrail. Alors dans un éblouissement d'or, d'azur et de pourpre je fus dehors.
Me voici dans la cathédrale du soleil!  Cramoisi dans mes langes je volais comme un ange, par dessus les toits de tuiles rouges et les cimes vertes des grands pins.
En bas, dans une allée obombrée de châtaigniers, je vis un homme et une femme entourant un tout petit enfant qui riait, ramassant les cosses piquantes et les apportant fièrement à ses parents qui riaient et le félicitaient pour son courage.
Je reconnus mes parents, et l'enfant ce ne pouvait être que moi-même; je voulais descendre pour me fondre avec lui, lorsque des ailes me soulevèrent, sans bruit, et je suivi la colombe s'essorant encore plus haut vers le dôme de la Cathédrale.  De nouveau le vitrail,  les éclats de lumières et de verre, d'azur et d'or, toute la vie se fragmente dans un prisme ! Me revoici dans et les bras de mon père.
La ténèbre et le froid me saisirent. Pour manifester mon désaccord avec ce retour précipité dans l'ombre et l'impuissance, je récapitulais dans mon minuscule crâne en feu toute ma science. Je savais:
1 dormir,
2 téter,
3 hurler,
j'optais pour ce dernier principe, et je préparais ma voix, lorsque je La vis, la Mère de pierre, Son regard de statue vers moi, avec ce sourire d'une tristesse ineffable, et ce regard et ce sourire étaient la Douceur même.
Un instant je fus comme Son Fils entre Ses bras de pierre.
A ce moment d'autres bras me soulevèrent, autour de moi le monde entier tournait, une larme d'aspergés ruissela sur ma fontanelle, "Domino nostro ut habeas vitam aeternam" résonna la voix d'outre-tombe; alors, décidément, je me rendormis.

l'abbé:
Réminiscence véritable ou licence de poète ?

Félix
Pur rappel de ma mémoire, monsieur l'abbé.

l'abbé :
Ad perpetuam Rei memoriam albo lapillo Diem notare.

Félix
  J'allais le dire !
Amen




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