vendredi 4 mars 2016

Entretien

Félix le chat : Mon cher Abbé, quand on lit ce qu'on lit et qu'on entend ce qu'on entend, on est pas étonné de penser ce que l'on pense !

L'abbé Tymon de Quimonte : Et quand on pense ce que vous pensez, mon fils, et qu'on le crie sur les toiles, on devrait être encore moins étonné d'entendre ce que nous avons entendu récemment.
Félix : Hé oui, je sais l'abbé, on tient à nous faire savoir que l’on distingue mal qui nous sommes, ce que nous voulons et pensons, si tant est que nous pensions de famille. De conserve veux-je dire.
l'abbé : C'est que, mon cher fils, voyez vous, certaines des inepties que vous affichez dans cet illustre chat illustré, que vous vous êtes complu à rebaptiser de mon patronyme, le petit Quimonte, en déconcertent et en navrent plus d'un.
Félix : Il semble en effet que le fond de ce supplément d'humeur ne leur apparaît pas avec suffisamment de clarté.
L'abbé : Ne leur apparaît, au contraire, que trop, mon fils.
Félix : Ah, j'y suis, vous faites probablement allusion, Monsieur l'abbé, à cette récente ode à votre bon cœur dans laquelle je faisais état de certaines filiations, vous concernant, sujettes à caution.
L'abbé : Revêtu par vos soins du masque de l‘Imposture, vous me fîtes passer pour rien moins qu’un faux curé, anarchiste et repris de justice en fuite, vous appelez ça sujettes à caution ! À caution judicatum solvi serait plus approprié.
Félix : Bah! Licence poétique, l'abbé. L’anarchiste c’est moi, tout le monde le sait... sauf peut être Philistine qui confond avec fasciste. « Tant il est commode de poser sur les choses une étiquette pour se dispenser d'y revenir. » *
Et puis Christ ne dit il pas je viendrai comme un voleur ?
L'abbé : Notre Seigneur Jésus-Christ n'était pas un voleur, comme le bon larron. « Voici, je viens comme un voleur. » Apocalypse 16:15. Jésus exhorte à la vigilance. Pour que le jour venu, Sa venue ne soit pas comme un scandale pour ceux qui errent dans la nuit .
Félix : Comme errait Herrera dit Vautrin dit Jacques Colin, dit Trompe-la-mort, qui était un type épatant, selon mes critères, et si vous en étiez l‘héritier, je deviendrais une sorte de Lucien de Rubempré. Trop cool.
L’Abbé : Mon fils, ça n’est nullement pour ma poussière que je plaide, mais pour l’honneur de l'état religieux et des Vœux solennels par lesquels j'ai renoncé au Monde, à ses pompes, à ses œuvres; O quantum est in rebus inane ! **
Félix : Soyez rassuré, sombre vicaire du Christ, votre Pureté vous nimbe comme une auréole polaire, votre apparition impitoyable glace, aussitôt les sourires s'altèrent en un rictus mêlé de haine et d'effroi.
L’abbé : Odi profanum vulgus et arceo. ***
Félix : Car votre soutane noire, comme un linceul, écarte de votre chemin le vulgaire, ainsi que les personnes du sexe.
L’abbé : Ce qui revient un peu au même.
Félix : On ne saurait dire cela sans un soupçon d'injustice, monsieur l’abbé. Les femmes sont un mal nécessaire. Par contre on aperçoit moins bien la nécessité des fâcheux.
L’abbé : Filius, mi fili, on aperçoit mieux les conséquences fâcheuses de votre poésie pour la continuation de notre commerce, qui devient odieuse par celle de votre défaut le plus incorrigible.
Félix : Que voila une phrase qui semblera boiteuse désormais, à un moderne.
L'abbé : Et pourtant elle tourne rond! Comme est correct le doute de cette fidèle lectrice qui s’exclame : « Rassurez -nous! Votre poème sibyllin exsude des relents sulfureux! ».
Car de tout ce que vous écrivez à l'athéisme voire au Luciférisme, il n'y a qu'un pas !
Félix : J'en serais au désespoir !
L'abbé : De quoi ? De reconnaître votre vérité ?
Félix : Je vous concède qu’on pourrait légitimement se dire après ça : l’abbé a surement tort quand il prétend que Dieu existe, car c'est un forçat évadé.
Mais cet argument ad hominem ne vaut pas : Même si vous êtes un gibier de potence, ce qu’à Dieu ne plaise, rien ne prouve que ce dernier, par dépit, ait cessé d’exister.
Et puis d’ailleurs vous ne sauriez être un forçat évadé : il y a belle lurette que les bagnes ont été remplacé, pour ceux dont ce serait la juste place, par des bracelets électroniques, si bien asssortis à leurs autres colifichets voyants.
Cela dit, vous fûtes excommunié je crois, monsieur l’abbé : n’auriez vous pas fini sur l’échafaud, aux temps bénis où il y avait encore des échafauds ?
L'abbé : Les bûchers où l’on brûle sont contemporains du divin mystère de la Rédemption. Comme celle d’ Esther Gobseck, dite La Torpille.
Félix : À jamais révolu, le monde où existe une figure féminine, pour laquelle on pourrait écrire ce que Balzac dit de la courtisane Esther, "Seule, elle avait cette tendresse qui ne fleurit que dans l'infini". N’est-ce-pas mon cher abbé Carlos Herrerra ?
L’abbé : En effet, en effet, Rastignac, mon fils, genus irritabile vatum.
Félix : Amen
* Flaubert
** Ô néant des choses de ce monde
*** Je haïs le vulgaire profane et je l'écarte.

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