Neuvième Entretien.

FélixNiesche: Nous n'avons pas accoutumé, Monsieur l'Abbé, de réagir à l'actualité, de rentrer dans la vaste empoignade idéologique actuelle où l'on se jette allégrement des cadavres, des monceaux de cadavres à la figure..

l'Abbé Tymon de Quimonte: Sans doute mon fils, et nous avons toujours fait le départ entre la doxa et l'épistémé, l'opinion, vulgaire, et la connaissance, la science. Ne regardons pas au dehors, dans les ténèbres, chaque jour apportera, soyons en bien persuadé son lot d'infamies..

F:..mais on ne peut rester indifférents au scandale, car dans cette affaire, derrière cette question, ce tintamarre, les zidées et zopinions des zuns et des zautres, n'est-ce-pas, il y a autre chose, et les moralistes que nous sommes...

l'abbé: écrivains qui traitent des moeurs, m'empressé-je d'ajouter, mon fils moraliste amoraliste, pour faire d'entrée litière des sempiternelles ritournelles contre la "Morale' qui serait répressive etc.

F:..c'est vrai, tous les crétins suintant la moraline sont contre la morale, fâchiste orcément, vous faites bien de préciser...Or donc, fidèles en cela à notre politique nous n'allons pas entrer dans cette discussion, ni donner notre avis sur l'éveil au CM2, les classes de neige à Auswitzch-Birkenau, les choix d'âge pour la shoah, les coupes de coulpe fumante à boire et l'examen des différentes selles de repentances .

l'abbé: Notre choix est de rester au centre; de nous rapprocher le plus possible de l'ignition, mon fils, de peur d'être emportés dans la circumversion, dans le tourbillon glacé du Maudit qui rugit, quoerens quem devoret.

F:.. et c'est pourquoi nous avons beaucoup balancé à publier les photographies de Cana..

l'abbé:.. en prenant garde à l'hylation sive mors et aux esprits cataboliques qui rôdent autour de cette affaire..

F: ..et même à l'esprit cathodique et radiophonique, si je peux me permettre, monsieur l'abbé, parce que nous avons la disgrâce de vivre dans un monde, une société, ou l'on peut entendre ça!!!

Et ici je dois dire j'aurais préféré offrir un enregistrement, un youtube, des informations de onze heures, vingt-trois si vous aimez mieux mes petits agneaux, du mercredi 13 février, sur Franc Sphincter.

l'abbé: Soit mon fils, mais vous ne l'avez pas, alors dîtes nous ce que vous avez vous ouï.

F: Oui! Ce journal s'est ouvert sur cette affaire des enfants du CM2 qui devraient se charger chacun des mânes d'un enfant juif particulier porté disparu dans l'holocauste des nazis...

l'abbé: ..afin de créer un égrégore, et chacun "perdra son identité et ne se retrouvera plus". Quelle effrayante autant qu'effarante initiative.

F: Cette tentative ne tient debout "ni sur la terre ni dans le ciel" fera long feu, monsieur l'abbé, c'est presque certain, mais le simple fait de l'avoir essayée, d'avoir pu, d'être capable, d'être en mesure, d'être en situation de la faire, qu'il soit permis, admissible, d'exhiber dans le plein jour cette charogne d'idée, dénude jusqu'à l'os la physionomie de l'époque.

l'abbé: Et les formations ténébreuses du pallidum de ces serviteurs du Démiurge de l'Ancien Testament..

F: Préparation à la guerre qui vient, sans aucun doute. Le pire est à venir.

Mais revenons, si vous le voulez bien au journal parlé :

 Donc présentation de cinq minutes du sujet, puis ensuite pendant vingt minutes, réactions, commentaires des réactions, et commentaires des commentaires des uns et des autres....L'une, Madame Veil, pas la grande...

L'abbé: ... qui s'écrit Weil, et est de cujus, mon fils, de cujus successione agitur.

F: Donc l'autre, la grosse, revêtue pour la circonstance de son pyjama rayé, se dit plutôt contre la mesure elyzéenne : parce qu'elle les juge encore trop petits au CM2 pour bien comprendre et bla bla bla...

l'abbé:..trop aimable pour nous, jugés suffisamment à point pour porter ce fardeau...

F:.. puis un autre type, un ami du prézydent, conseiller de l'Elysée, un illustre avocat mondain, dit approuver cette décision, et pérore dix minutes pour justifier la mesure :  bla bla bla...

l'abbé: Ce monsieur, dont vous parlez mon fils, qui a brigué la mairie du XIIeme arrondissement de notre capitale, ce donneur de leçons, ce gardien de la "mémoire", a effectué deux années de service militaire dans un pays étranger, dans l'Israél, comme garde frontière..

F: Eh bien, il en est revenu farouchement partisan que chaque petit enfant de CM2 du vieux pays dans lequel il fait ses affaires, absorbe les lémures d'un petit enfant malheureusement décédé il y a plus de soixante ans, avant d'avoir pu s'ébaudir dans ce récent pays de tolérance vers lequel va son coeur d'avocat, et pour lequel il s'est armé jusqu'aux dents ...

l'abbé: .. tout de même, mon fils, qu'il ne se soit pas trouvé un seul des journalistes pour lui faire remarquer, à ce garde frontière de l'Israèl, lourdement équipé d'armes américaines les plus performantes en face d'enfants jeteurs de pierres, qu'il avait bien dû leur en tuer quelques uns, lui aussi, non? "Et combien d'enfants palestiniens avez-vous, vous-même, assassiné, Monsieur?"

F : Il n'existe aucun mot dans aucune langue connue pour exprimer le mépris dû aux journalistes. Donc, aprés que l'avocat franco-israèlien a éructé longuement son opinion vulgaire, retour à son pote le Prézydent, qui renchérit : et bla bla bla... les petits enfants juifs... bla bla... inexpiable... la mémoire... son devoir...bla bla bla...israèl sacré....bla bla... dix minutes de coulpe supplémentaires .....

Or, il restait toutes les autres nouvelles à dire, et l'heure tournait, aussi, sans transition, d'une voix rauque et  monocorde, le lecteur de dépêches se dépêcha de nous dépêcher ceci :-"Cet après midi, dans la bande de Gaza, un missile a été tiré par l'aviation israélienne sur la maison d'un activiste palestinien, sa femme et ses quatre enfants ont été tués dans l'explosion, en ligue Un, Marseille a battu Sochaux neuf à trois, les prévisions météorologiques de Joël Collado de Météo- france..."

l'abbé:  Seigneur! Que la Maison de la Radio ne crépite pas de flammes vengeresses !

F: Les soi-disant "frères" des palestiniens, en Hexagonie et Naïkaddidasse, préférent brûler les crèches, les écoles et les bibliothèques des prolétaires d'ici, et au fond, rêvent de copinage avec les Zélus Zélotes du chobize ,"qui se font toutes les meufs et un max de thune", leur même idéal.

 De pareilles choses demeureront impunies! Ah!.autour de moi ces mufles impavides!

l'abbé: Le voilà, précisément, pour nous, vous et moi, mon fils, le scandale d'iniquité, qui nous a déterminé à quitter un instant le ton de nos causeries. Il ne s'agit pas, nous l'avons dit, de jeter d'autres monceaux de cadavres à la face de ceux qui depuis soixante ans n'ont de cesse de nous étouffer au dessous d'autres charniers. Il s'agit de dire, il s'agit de ramener les choses sur un même plan.

F: Et de clamer : c'est le présent! c'est votre temps! cela se passe MAINTENANT ! pour le passé vous ne pouvez plus rien.

l'abbé: "Laissez les morts enterrer les morts."

F:  Mais qu'a tu fais toi, de ta vie consciente, contre l'abomination qui se perpétue sous tes yeux? Avec ton fâchisme de retard..

l'abbé: Tu te seras complu dans l'inexistant, aussi crains que pour toi, le Gardien du Seuil ne soit obligé un jour d'écarter à ta place le Voile: tu tomberas anéanti dans les profondeurs du chasme, refondu dans le Néant, car tu n'en es jamais sorti. le Mal reste toujours le même, il s'incarne, il vit, et se nourrit de ta soumission comme le ver de ta charogne.

F: Parce que les forces qui ont permis l'abjection n'ont pas été éradiquées, sont toujours au pouvoir, sont toujours LE POUVOIR.

l'abbé: Nous avons décidé de nous adresser non pas aux Spirituels, mais aux Simples, aveuglés par les demi-Habiles, hébétés, saisis, stupéfaits par les demi-habiles..

F: Les simples ont toujours été dans les mains des habiles, et n'écoutent jamais les Spirituels. Au fond le jeu des habiles est simple. Ils disent aux simples : voyez! le MAL absolu, l'innommable, l'indépassable, a eu lieu, il s'est dejà incarné. C'est un événement métaphysique, fondateur, qui dépasse l'Histoire. Qui la transcende. On ne peut plus se déterminer, choisir une politique que par rapport à lui.

l'abbé : D'où le choix de ce terme de Shoah, notion obscure de métaphysique juive, qui a supplanté Holocauste, lui même ayant détrôné Déportation.

Fait absolument incompréhensible dès lors que l'on ne saisit pas sa dimension religieuse, initiatique.  

Plus on s'en éloigne dans le temps, plus l'événement se rapproche, plus il disparaît au loin plus il s'amplifie dans les consciences, d'une actualité factice. Plus le crime devient inexpiable, plus ceux qui l'ont perpétré sont poussières, plus la repentance de ceux qui n'étaient pas nés alors est exigée, et la Némésis juive frapper préférentiellement les innocents, petits fils d'autres innocents de ce crime.

F: Caractéristique vous l'avez dit, d'une religion nouvelle, qui triomphe dans la longue durée, qui se fortifie dans et par le Temps. Et le pouvoir séculier s'est rallié au pouvoir religieux, un appareil de lois veille à interdire la profanation de son caractère sacral.

l'abbé: Cette Apocalypse nouvelle vise, a quasiment réussi, à supplanter l'antique, celle de la Croix. Elle sépare à nouveau Dieu et le monde, règne du Démiurge.

F:  Un mythe été forgé autour du nazisme :  Mal Absolu qui a été après dure lutte, à Hiroshima, à Dresdes et ailleurs, terrassé par les forces du Bien. Mais le nazisme serait un véritable phoenix, menaçant toujours de renaître des cendres de ceux qu'il a immolé. Aussi il faut être sans arrêt " vigilant"

l'abbé: "le ventre est toujours fécond".etc., etc...

F:  D'où vous avez surgi l'abbé...

L'abbé: D'où "a surgi la bête immonde", mon fils! On oublie que pour Brecht, auteur de ces lignes, le ventre fécond de la Bête était la social-démocratie, qui selon lui, avait pavé la route du fascisme.

F: La Bête immonde! Pas vraiment pas de bol de s'appeler l'abbé Tymon de....  !

l'abbé: Méfiez vous, mon fils, qu'à force de sottises, les Influences mauvaises, ricanantes et pallides ne vous fassent trébucher.

F:  Holà! ça fait peur ça, monsieur l'abbé. je vous prie de m'excuser. D'autant qu'à cause de cette prétendue faculté de phoenix, nous sommes maintenus constamment en Vigilance orange, puisque les habiles agitent constamment le spectre du nazisme, ce grand Épouvantail à simples-aux-cervelles-de-moineaux pour qui, comme les petits enfants, le Grand méchant loup du conte de fées, reste plus présent, plus terrible, plus réel que ce drôle de type là, des bonbons pleins les poches et qui les reluque d'un certain regard.

L'abbé: Pulchre, bene, recte. Et n'oubliez jamais, mon fils,  Una salus victis, nullam sperare salutem.

F: OK.  Amen.