mercredi 25 juin 2008

Septième Entretien.

Félix Niesche : Mon cher Abbé, votre réapparition en ce mois de mars de l'an de disgrâce deux mille... et quelques nous comble d'aise aprés cette hibernation, que vous appelez une retraite, laissant notre pauvre blog en bloc à l'abandon puisque nos pleurs et grincements de dents ne réussirent point à dégourdir votre dilection torpide dans votre thébaïde du Mont Athos.
L'abbé Tymon de Quimonte : Votre impatience de mon retour, mon fils, augmenta la mienne, pour avoir le plaisir de vous revoir, croyez moi, mais je ne pouvais interrompre les veilles studieuses, les prières et les méditations vigilantes sans trahir la Règle stricte à laquelle je m'étais soumis. Et puis le Temps patine le marbre des blogs et nos entretiens se bonifieront avec l'âge...
F : cependant le lierre attache ses griffes dans les lézardes de vos hasardeuses bizarreries, vos piquantes latinités s'émoussent couvertes de mousse verte, les diatribes lasses de votre Félix infélicidad s'altèrent en salades oû rampent des hélix, les herbes follettes, les herbettes folles engazonnent notre vieux blog, alpage livré au morne appétit des herbivores...

l'abbé : L'herbe ne croît que par syllogisme, mon fils. Car Le monde est fait à l'image de l'organisme végétal. Ce que vous décrivez, c'est la germination de notre blog qui dispersera dans les consciences son pollen singulier.

Hegel « Un arbre pousse par syllogisme »

F : consciences destinées à se disperser ensuite dans les ténèbres extérieures...
l'abbé : Nul ne peut sonder la profondeur, ni percer les ténèbres et les abîmes. Abyssus abyssum invocat...Hanté toujours par l'idée du Néant et de la finitude, mon fils, ayant toujours besoin de boire l'eau-de-vie du changement, d'être ivre du Vin Nouveau, ne sachant pressentir sous les déserts de mousse du temps l'immarscessible jeunesse de vos écrits, les lambris précieux sous le salpêtre des sites..
F : Vrai! je désespère sous le soleil des Hespérides, je me consumme et crie sur mes feuilles vierges, en bras de chemise:-Qu'il vienne! qu'il vienne le Temps des assassins, de ces ouvriers charmants qui mettront à bas la Babylone du Kapital...
l'abbé : Vous croyez encore, vous, mon fils, dans cette utopie?
F : c'était pour rester dans nos rimbaldienneries monsieur l'abbé.. Une utopie, sans doute, dorénavant, mais parce qu' elle l'est devenue . Le possible d'hier s'est mué en inconcevable. On ne sait pas assez qu'en mille neuf cent trente-huit, Trotski constatait:" la prémisse objective de la révolution prolétarienne a commencé de pourrir"..Selon lui, la guerre mondiale qui poussait son mufle sous l'horizon d'Europe aux anciens parapets, allait déboucher sur la Révolution sociale. Sinon, ajoutait-il, c'en serait fait de la possibilité du socialisme. Pour jamais. Viendrait la barbarie sans fin du capitalisme putréfié.
l'abbé : La Dictature du Prolétariat comme Salut ? Vouée à l'échec, par principe, mon fils. Le régne du Pauvre, c'est le christianisme sécularisé : mais bien qu'elle procédât d'une inversion spirituelle, cette politique, rouge, luciférienne, je l'estime davantage que la bourgeoise, satanique.

F : Quant à vous, monsieur l'abbé, j'imagine, vous ne croyez dans nul pouvoir séculier...
l'abbé : détrompez vous mon fils, j'en tiens pour le gouvernement temporel de la Providence, le régne de Notre Seigneur Jésus Christ par l'intermédiaire du Roi, son lieutenant sur la terre.
Mais je reconnais qu'à ce jour, n'est-ce-pas, ce n'est plus, non plus, une politique praticable.
F : Poilant ça l'abbé, nous arrivons par deux routes contraires, l'élégante Avenue Joseph de Maistre et la ruelle défonçée Joseph Proudhon, fourbus, harrassés, pour nous casser le nez ensemble devant ce panneau de signalisation : Stop! impasse !
Tout est foutu.
l'abbé : Pour ce qui concerne les gouvernements temporels et le germen de notre vieille race, assurèment, mon fils.
F : Assurément, comme vous dîtes, l'abbé. J'apprécie assez que vous ne croyiez plus dans ces partis de la Droite qui voulaient faire marcher les choses à reculons à la manière des écrevisses..
l'abbé : "personne n'est libre d'être une écrevisse" ajoutait Nietzsche, et j'ai, mon fils, fait miennes les paroles de Zarathoustra:" Suivez les chemins qui sont vôtres. Et laissez peuples et nations suivre les leurs- de sombres chemins, en vérité, sur lesquels ne brille plus une seule espérance. Laissez régner les boutiquiers là ôu rien ne régne que l'or des boutiquiers. Les temps des rois sont passés; ce qui de nos jours porte le nom de peuple ne mérite pas de rois".
F : Mais nous avons descendus depuis, mon cher abbé, un étage plus bas:" laissons régner les babouins là oû ne régne que la vulve bariolée des babouines. Les temps des peuples sont passés; ce qui de nos jours pullule ne mérite pas de lois!" oserais-je écrire pour ma pauvre part en l'absence de ces tz qui font toute la différence.
l'abbé : Ce que vous dîtes là, mon fils, n'est hélas que trop vrai, mais aussi fort heureusement, caricatural; c'est vous qui faisiez remarquer que ce monde n'a pas le sceau du réel.. faisons fond sur cette irréalité, elle est notre espérance..
F : Mais contre-sens, l'abbé, contre-sens absolu! Vous non plus ne m'avez pas entendu! L'ordre du monde est une horrible parodie, mais il est atrocement réel. Tellement caricatural qu'un doute écoeurant sur sa substance ne peut pas ne pas nous effleurer, nous faire soupçonner l'existence comme factice. C'est celà qui m'angoisse, l'inquiétante étrangeté de cette réelle irréalité, de cette irréalité réelle : car la souffrance que ce monde grotesque peuplé de caricatures inflige n'en reste pas moins tangible, concréte, et seule la souffrance existe, la douleur est l'aune à laquelle la réalité se jauge, notre malheur présent, irrévocable, dur, âpre, mâle, nous le recevons d'une société que je récuse, polichinelle ridicule, fantoche femelle privée de chair et de nerf et qui réussit pourtant à souiller la beauté de chair et à tordre les nerfs. Ce monde de merde, exactement...
l'abbé : das etwas, diese plumpe velt..
F: pas du latin ça, l'abbé ?
l'abbé : mais non, mon fils, l'allemand de l'Esprit qui toujours nie, Méphistophélès ou Lucifer, la négation nécessaire, parce que tout ce qui existe est digne de périr, et ce monde dont la hideur est le Signe mérite d'être détruit...
F : Dignité! le mot le plus imprononçable en ce sale temps. C'est nous qui sommes jugés digne de périr, submergés par les flots noirs amazoniens; le ramas puant qui grouille : ah!ah! La Jeunesse du monde! qui vient! La femelle ne s'y trompe pas, qui flaire dans le sens du vent les phéromones de la Force Vitale et s'accouple en masse avec les mâles venus, les nouveaux singes dominants de l'espèce...
l'abbé :.. De Profundis clamavii!
F :..sous les encouragements et la bénédiction de ceux qui ne se mélangent jamais, tant ils se chérissent, se gôutent, se délectent les uns des autres, et s'auto-congratulent de travestir leur vision de Tribu par un universalisme à l'usage des sous-hommes...
l'abbé :..qui ne laissent pas de coopérer joyeusement à cette expérience d'élevage in vivo... alors qu'importe, mon fils, et tant mieux si tout ce que nous voyons nous invite au départ. Appareillons! Levons l'ancre! et quittons joyeusement cette porcherie toutes voiles déployées au vent du large...
F :" fuir! là bas, fuir! je sens que des oiseaux sont ivres..."
l'abbé : Et pour vous faire plaisir, hissons le Pavillon Noir au mât de misaine!
F : de misère, oui! Sous le vaste suaire noir qui s'appesentit sur nos jours, suffoque le feu des nuits.
Achevons, s'il vous plaît, cet entretien placé sous le signe du Voyant, de l'Adolescent Céléste, par un de ses traits fulgurants : "La vraie vie est absente." Alors, avant que d'échouer, sous l'herbe d'oû l'on ne peut fuir, monsieur l'Abbé, la vraie question métaphysique n'est-elle pas :"y-a-t-il une vie avant la mort?".
l'abbé : Unique question mon fils, pour ceux qui partagent votre article de Foi : l'âme périssant avec le corps.
F: Oui. Aprés la mort nous ne serons plus rien du tout.
l'abbé : Post mortem nihil est.
F : Amen.

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